Une réforme a minima
Bien sûr, quelques dispositions représentent des progrès. La première d’entre elle est la mise en place d’un Conseil de Surveillance de la Stabilité Financière : il n’est pas un mal qu’un organisme spécifique soit chargé d’évaluer le risque de crises, étant données les conséquences de la dernière. La limitation de la spéculation sur fonds propres est aussi une bonne chose, de même que le plus grand encadrement des produits dérivés ou les nouvelles contraintes sur les crédits.
Pire, la couverture demandée pour les dérivés ne correspond qu’à 5% des engagements et les banques pourront toujours spéculer avec leurs fonds propres. Il n’y a pas de véritable mécanisme mis en place pour limiter l’effet de levier. L’idée de taxe sur les banques a été oubliée pour faire passer le texte. Le refus affiché de ne pas secourir les établissements bancaires est plus une déclaration d’intention à l’attention d’une population choquée par les aides versées par l’Etat.
La victoire du lobby bancaire
Le fait de dire qu’il s’agit de la plus grande réforme depuis les années 30 est peut-être juste, mais au final, il s’agit d’une réformette par rapport à ce qu’avait mis en place Franklin Roosevelt. Barack Obama ne met décidemment pas ses pieds dans ceux de son illustre prédécesseur. On pouvait sans doute s’y attendre tant le candidat avait été prudent lors de la campagne, malgré la crise, et tant son équipe ne comporte pas de véritables penseurs alternatifs en matière de réglementation.
Le président étasunien a fait de beaux discours qui ne sont malheureusement pas suivis dans les faits. D’ailleurs, la réaction de Wall Street a été positive, sans doute soulagée par le fait que ces réformes ne vont pas réduire les bénéfices à venir des banques, ni ajouter les contraintes qui étaient craintes. Les lobbyistes ont eu raison des taxes et de nombreuses restrictions un tant envisagées. La finance a tout gagné : elle a été sauvée sans avoir à changer ensuite !
Le pire est que les Etats-Unis sont les plus avancés dans le domaine puisque l’Europe est totalement incapable d’avancer sur le sujet. Si la Commission Européenne est toujours prompt à essayer d’imposer les OGM ou laisser faire une délocalisation, elle est totalement incapable de proposer une quelconque réforme de la finance, bloquée qu’elle est par ses dogmes néolibéraux. La victoire de la finance est donc totale : les dirigeants du monde ont fait ce qu’elle voulait.
Barack Obama a obtenu une loi, mais pour l’obtenir, contrairement à ce qui est dit par de nombreux médias, il a tellement cédé que cette réforme n’est absolument pas ce qu’il fallait pour réformer structurellement la finance. Dommage, ce ne sont pas les idées qui manquaient…
Laurent Pinsolle
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